L’European Accessibility Act : contrainte réglementaire ou levier d’innovation numérique ?

Le 28 juin 2025, l’European Accessibility Act (EAA) entrera officiellement en vigueur dans tous les États membres de l’Union européenne. Ce texte obligera les entreprises proposant des services essentiels, notamment dans le e-commerce et le numérique, à respecter des normes strictes d’accessibilité si elles comptent plus de 10 salariés ou génèrent plus de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires. L’objectif ? Garantir à toutes les personnes, y compris celles en situation de handicap, un accès équitable aux produits et services numériques. Si la date approche à grands pas, de nombreuses organisations ne sont toujours pas prêtes. Entre obligations légales, enjeux d’inclusion et opportunités d’innovation, l’EAA est bien plus qu’un texte de loi : c’est un révélateur de maturité numérique.

Un état des lieux préoccupant de l’accessibilité numérique en Europe

L’accessibilité numérique est loin d’être un sujet nouveau. Depuis des années, directives européennes, référentiels nationaux, comme le RGAA en France, ou internationaux, comme les WCAG, encadrent la conception inclusive. Pourtant, les résultats restent décevants.

En France, moins de 10 % des sites web étaient pleinement accessibles en 2024, et près de 40 % des plateformes n’avaient engagé aucune démarche significative pour améliorer leur accessibilité selon le Baromètre de l’accessibilité 2024 de la ContentSquare Foundation.

Le secteur public a accompli certains progrès mais le secteur privé, et notamment l’e-commerce, reste à la traîne. Les sites commerciaux remplissent moins de 50 % des critères d’accessibilité.

Il est ainsi paradoxal que ces sites marchands, qui dépendent des parcours utilisateurs pour générer des ventes, ne soient pas plus conformes aux critères d’accessibilité. Résultat : des millions de personnes sont exclues du numérique. En effet, entre 5,7 et 18,2 millions de français sont en situation de handicap selon la définition utilisée.

Ce retard n’est pas sans conséquences. À l’international, la jurisprudence s’étoffe. En 2023, plus de 4 600 actions en justice ont été intentées aux États-Unis pour non-conformité. Avec l’arrivée de l’EAA, l’Europe pourrait suivre cette tendance, avec des amendes pouvant atteindre jusqu’à 15 000 euros en cas de récidive.

Mais au-delà de la sanction, c’est surtout l’opportunité manquée qui interroge : un site inaccessible perd à la fois des utilisateurs, des revenus et une crédibilité. En effet, selon la FEVAD, une part importante des clients ayant des besoins spécifiques quittent un site jugé difficile d’accès, et une majorité se disent prêts à payer plus pour une meilleure expérience. Une inaccessibilité persistante devient alors un risque économique autant qu’un enjeu éthique.

De la conformité légale à la stratégie inclusive ?

L’European Accessibility Act ne se limite pas à un cadre normatif. Elle incarne un changement de posture : l’accessibilité ne doit plus être vue comme une contrainte à respecter a posteriori, mais comme un critère de qualité à intégrer dès la conception. Autrement dit, on passe d’une logique de mise en conformité à une stratégie inclusive proactive.

Cette évolution peut sembler ambitieuse, mais elle est aussi porteuse de valeur. Un site ou un service pensé pour l’accessibilité offre une meilleure expérience utilisateur pour tous : navigation plus fluide, contenus plus clairs, meilleures performances techniques… Des bénéfices qui profitent aux personnes en situation de handicap, mais aussi aux seniors, aux personnes en mobilité, aux utilisateurs sur smartphone, ou encore à ceux qui souffrent de fatigue cognitive.

L’accessibilité devient ainsi un levier de transformation digitale. Elle favorise la simplicité, la cohérence et la robustesse. Elle permet aussi de gagner en compétitivité, en touchant un public plus large et en renforçant la fidélité client. De nombreuses entreprises perçoivent désormais l’accessibilité comme un moyen de renforcer la fidélité client.

Et ce n’est pas tout, l’accessibilité s’impose aussi comme un marqueur de responsabilité. Dans un contexte où l’engagement des marques est scruté par les consommateurs, être accessible devient un atout en matière d’image, de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) et d’attractivité. Les jeunes générations, en particulier, sont sensibles à ces enjeux et privilégient les entreprises inclusives.

Pour atteindre cet objectif, des normes ont été définies. Les WCAG (Web Content Accessibility Guidelines), élaborées par le W3C, établissent des règles claires et universelles. Ces directives s’articulent autour de quatre grands principes : les contenus doivent être perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes. Ces principes garantissent que tous les utilisateurs peuvent accéder aux informations, quelles que soient leurs particularités

Comment anticiper l’EAA sans subir : méthodologie et outils

Face à l’échéance du 28 juin 2025, les entreprises ont deux options : attendre et agir dans l’urgence, ou anticiper avec méthode. La seconde voie est non seulement plus efficace, mais aussi plus économique sur le long terme.

Voici quelques étapes clés pour une mise en conformité progressive et structurée :

  1. Audit d’accessibilité : indispensable pour établir un état des lieux, identifier les écarts et prioriser les actions. Il doit porter sur l’ensemble des interfaces numériques : site web, application mobile, documents PDF, services en ligne…
  2. Intégration des bonnes pratiques dès la conception : cela inclut le respect des normes et standards, notamment en matière de contrastes, de hiérarchisation des contenus, de compatibilité avec les lecteurs d’écran ou de navigation au clavier etc.
  3. Formation des équipes : designers, développeurs, chefs de projet doivent être sensibilisés et formés pour éviter les erreurs.
  4. Suivi et amélioration continue : l’accessibilité ne s’arrête pas à un projet ponctuel. Elle doit devenir une culture d’entreprise, intégrée à chaque mise à jour et pilotée par des indicateurs concrets.

Ces démarches permettent d’aborder l’EAA non pas comme une échéance sentencieuse, mais comme une opportunité de structuration, de différenciation et d’innovation.

L’accessibilité numérique : un test de maturité pour les entreprises européennes

L’entrée en vigueur de l’European Accessibility Act marque un tournant dans la transformation numérique de l’Union européenne. En imposant des normes communes, elle vise à garantir une société digitale plus inclusive et plus équitable. Mais elle pose aussi une question importante aux entreprises : souhaitent-elles simplement se conformer ou véritablement s’engager ?

L’accessibilité numérique est tout autant une exigence éthique qu’un marqueur de performance. Elle reflète la capacité d’une organisation à penser l’expérience utilisateur dans toute sa diversité. Celles qui choisissent d’anticiper, de former, d’innover et de transformer leur culture numérique s’ouvrent à un avenir durable.

Alors que le 28 juin 2025 approche, il n’est plus temps d’attendre. Il est temps d’agir. Pour éviter les sanctions ? Peut-être. Mais surtout pour construire un numérique réellement conçu pour tous, où chaque utilisateur compte.

L’arrivée de l’EAA vous motive à rendre vos services numériques réellement accessibles à toutes et tous ? Contactez-nous dès aujourd’hui pour engager ensemble une démarche concrète en faveur de l’inclusion !

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